Peine d’inéligibilité : Eric Ciotti, allié de Marine Le Pen, échoue à faire passer l’interdiction de l’exécution immédiate à l’Assemblée nationale
Jeudi 26 juin 2025, les députés ont rejeté une proposition de loi visant à suspendre l'application immédiate des sanctions d'inéligibilité, telle que celle prononcée contre Marine Le Pen dans l'affaire des assistants parlementaires du Front National au Parlement européen. Cette initiative, portée par le groupe UDR d'Éric Ciotti lors de sa journée réservée de niche parlementaire, n'a pas obtenu l'approbation de l'Assemblée nationale…
La niche parlementaire d’Éric Ciotti pour contester la condamnation de Marine Le Pen
La journée du 26 juin 2025 à l’Assemblée nationale n’était pas qu’un simple exercice parlementaire pour le groupe Union des Droites pour la République (UDR) et son président Éric Ciotti, allié au parti lepéniste. Derrière notamment les débats sur l’exécution immédiate des peines d’inéligibilité, c’est bien le sort judiciaire de Marine Le Pen, condamnée en première instance à cinq ans d’inéligibilité pour détournement de fonds publics dans l’affaire des assistants parlementaires du Front national, qui s’est invité au cœur de l’hémicycle. En commission, l'article unique avait été déjà rejeté par 23 voix contre 21, et ce, malgré le soutien de l'alliance RN-UDR et de députés LR.
Un texte pour “protéger l’éligibilité”… et la candidature de Marine Le Pen
La proposition de loi phare de la niche UDR visait à interdire l’exécution provisoire des peines d’inéligibilité, c’est-à-dire à empêcher qu’une telle sanction prenne effet avant l’épuisement de toutes les voies de recours. Or, c’est précisément cette mesure qui frappe aujourd’hui Marine Le Pen : condamnée à cinq ans d’inéligibilité avec exécution immédiate, la présidente du RN risque de ne pas pouvoir se présenter à l’élection présidentielle de 2027 si la décision est confirmée en appel, attendu d’ici l’été 2026. Le procès en seconde instance est ainsi programmé pour le premier semestre 2026.
Dans l’exposé des motifs, Éric Ciotti a insisté sur le caractère fondamental du droit d’éligibilité, dénonçant l’idée qu’un citoyen puisse être privé de ce droit « sans même attendre une décision de justice définitive ». Il a défendu sa proposition comme une garantie du « libre choix des électeurs » et de la présomption d’innocence, tout en s’abstenant de citer explicitement le cas de Marine Le Pen.
Des débats sous tension, une manœuvre dénoncée comme “taillée sur mesure”
La gauche et le centre ont immédiatement dénoncé une « loi d’exception », « taillée sur mesure » pour la cheffe du RN. Prisca Thévenot (Ensemble pour la République) a fustigé un texte « non pas pour les Français, mais pour votre amie du RN », tandis que d’autres élus ont rappelé que la justice avait déjà statué sur le caractère grave des faits reprochés à Marine Le Pen.
Le gouvernement, par la voix de Gérald Darmanin, a refusé de soutenir la proposition, soulignant que l’exécution provisoire n’était « ni un automatisme ni une dérive ». Plusieurs députés ont aussi regretté l’absence de Marine Le Pen dans l’hémicycle, symbole selon eux de la gêne suscitée par cette démarche.
Un échec politique, mais une protestation assumée
Après plusieurs heures de débats houleux, la proposition de loi a été vidée de sa substance par l’adoption d’amendements de suppression, soutenus par la majorité et la gauche. Éric Ciotti, dénonçant un « vote qui va à l’encontre de la démocratie », a finalement retiré son texte, tout en assumant la dimension politique de sa démarche : « Ce sont dans les régimes où la liberté n’est plus en place qu’on élimine les opposants », s’est-il indigné, faisant clairement référence à la situation de Marine Le Pen.
Eric Ciotti, président du groupe Union des droites pour la République, a décidé de retirer sa proposition de loi « visant à protéger l'effectivité du droit fondamental d'éligibilité » après que celle-ci ait été vidée de son contenu. Cette décision est intervenue au terme de nombreuses heures de débats tumultueux, marqués par de nombreux rappels au règlement des députés, en particulier pour mise en cause personnelle.
Quelques minutes avant le retrait de la proposition de loi d’Éric Ciotti, l'article unique du texte avait été supprimé par l'adoption de sept amendements de suppression, votés par 185 voix contre 120. Ces amendements provenaient des groupes de gauche ainsi que des députés Mathieu Lefèvre (Ensemble pour la République) et Laurent Mazaury (Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires). Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, avait également donné au passage un avis de sagesse sur ces amendements au nom du gouvernement.
Un signal envoyé à la justice et à l’opinion
Cette séquence parlementaire, bien que soldée par un échec législatif, a permis à Éric Ciotti et à ses alliés de protester publiquement contre la condamnation de Marine Le Pen et d’alerter l’opinion sur les conséquences politiques d’une exécution immédiate de l’inéligibilité. En filigrane, l’UDR et le RN entendent ainsi préparer le terrain en cas de confirmation de la sanction en appel, et dénoncer par avance tout « empêchement » de leur candidate à la présidentielle.
La niche UDR s’est transformée en tribune pour contester, de façon indirecte, mais transparente, la condamnation judiciaire de Marine Le Pen et défendre sa capacité à se présenter devant les électeurs en 2027.
Peine d’inéligibilité de Marine Le Pen le 31 mars 2025
L’affaire ayant conduit à la peine d’inéligibilité de Marine Le Pen concerne le détournement de fonds publics dans le cadre des assistants parlementaires du Front national (FN) au Parlement européen entre 2004 et 2016.
Marine Le Pen, alors députée européenne et présidente du parti, a été reconnue coupable d’avoir organisé un système dans lequel des assistants rémunérés par le Parlement européen ne travaillaient pas pour les eurodéputés, mais pour le parti, ce qui constitue un détournement de fonds publics.
Le lundi 31 mars 2025, le tribunal correctionnel de Paris l’a condamnée à quatre ans d’emprisonnement, dont deux ans ferme aménagés sous bracelet électronique, à 100 000 euros d’amende, et surtout à cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire, c’est-à-dire que la peine d’inéligibilité prend effet immédiatement, avant même l’épuisement des voies de recours. Cette condamnation compromet ainsi fortement sa candidature à l’élection présidentielle de 2027, sauf si Marine Le Pen obtient gain de cause en appel, ce qui est attendu d’ici l’été 2026.
Le tribunal a souligné le « rôle central » de Marine Le Pen dans ce système de détournement, qui a concerné une somme à hauteur de 4 millions d’euros, avec d’autres eurodéputés et membres du parti RN également condamnés. Marine Le Pen a fait appel de cette décision en avril dernier…